lundi 16 juillet 2007

Prudence


Ma future belle-maman m'impressionnait beaucoup par ses nombreuses qualités. Très bonne, elle était aussi très critique envers autrui, à fortiori envers celle que convoitait son fils. Cela m'incitait à user de grande prudence dans mes propos.

Un jour cependant, je laissai aller ma spontanéité; ce qui aurait pu me coûter son estime.

À l'époque, mon travail d'enseignante à Chicoutimi me permettait un autre emploi dans un magasin que j'aimais beaucoup: Le Royaume de l'Élégance, où on vendait des vêtements très chics pour une clientèle très chic.

Au cours d'un dîner chez mes futurs beaux-parents, madame Gagnon me demande si j'aime toujours mon travail d'appoint au Royaume de l'Élégance.

- Oui, bien sûr; c'est si agréable de travailler dans le «beau». La clientèle est aimable en général. Mais parfois, quand il m'arrive madame unetelle avec son accent pointu et qui me fait comme ça l'étalage de sa vie mondaine... ah! là, je changerais de boutique.

Et me voilà partie dans une tirade théâtrale avec geste et mimiques:
« Mademoiselle Tremblay, auriez-vous une petite toilette très haute couture pour moi? Je suis invitée à un coquetel demain soir chez monsieur le maire. Tous les gens bien de la ville y seront et, vous comprenez, je me dois d'être bien mise. Imaginez-vous, mademoiselle, qu'à la réception chez madame Crevier la semaine dernière, madame Talbot portait une robe identique à la mienne. On m'a dit qu'elle s'habillait à Québec. C'était pour le moins décevant. Cette fois je veux oser et j'ai vu dans un magazine récemment que le rouge était à l'honneur. Auriez-vous une robe légèrement décolletée de cette couleur?»

Curieuse, ma future belle-mère me demande le nom de cette dame. Je fais pour mon plus grand malheur l'indiscrétion de lui révéler qu'il s'agit de madame L.D.

L'entendant nommer, elle s'exclame: «Mais c'est ma cousine!» et d'ajouter: «Elle est très distinguée vous savez...»

Quelle imprudence j'avais commise!


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