lundi 16 juillet 2007

Albertine, la poule et l'oeuf

Ma mère a survécu à ma naissance par miracle et resta de santé fragile. Pour lui venir en aide, une de ses tantes lui passa Albertine, une vieille fille de 25 ans qui s’était donnée à titre de bonne. Tout le monde aimait Albertine, cette femme forte et vaillante, timide à en être sauvage, mais fiable comme un chien de garde auprès des enfants.

Un jour qu’elle me gardait pendant la messe dominicale (je devais avoir environ trois ans) j’ai échappé à sa surveillance, tout attirée par une poule qui picorait dans la cour. Petit à petit, j’ai suivi la poule jusqu’au poulailler. Là, c’était des dizaines de poules qui piaillaient dans une cacophonie envoûtante. Je lève mes yeux et j’aperçois au sommet de petites échelles de multiples niches. Je m’avise de grimper là-haut… et ce que j’y vois me fascine : une poule accroupie est occupée à pondre, me laissant voir d’abord un cercle blanc qui se referme à quelques reprises, puis me livre sur la paille un bel œuf tout rond. Médusée, j’entends à peine les cris d’Albertine qui m’appelle de sa voix angoissée: «Où’s’ que t’es?...» Tout à coup, la porte du poulailler s’ouvre et me voilà prise en flagrant délit…« A-t-on idée de r’garder pondre une poule! Viens t’en à la maison!» Elle me prend la main et me ramène juste à temps pour le retour des gens de la messe.

Encore illuminée de ma découverte, je raconte à maman ce que j’ai vu. Merveilleux! me dit-elle, en me prenant dans ses bras. Albertine murmure en bougonnant:

Voir si on regarde ça, des derrières de poule!...



Yvonne Tremblay à 5 ans

Yvonne Tremblay le 1er juillet 1936


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