lundi 16 juillet 2007

La traductrice


Quand Monique et André Ségal, de Bruxelles, sont arrivés au Québec dans les années 60, nous étions impressionnés par leur beau langage et la précision de leur vocabulaire.

Un jour, Monique me demande où elle peut trouver du tissu pour une robe. Je la conduis chez Madame Roy, tissus à la verge, rue Saint-Pierre à Jonquière (Saguenay).


Madame Roy demande à Monique ce qu'elle veut.

- Je voudrais un tergal de couleur pervenche.

Perplexe, la vendeuse se tourne vers moi et me demande ce qu'elle veut dire.

- Un nylon... bleu moyen, dis-je.

Cette chère dame, malgré son expérience, ne connaissait pas encore le tergal et, pour elle, toute fibre synthétique s'appelait «nylon».

Elle sort un carton de tissu d'un bleu plus ou moins foncé: Que dites-vous de ça, Madame?

Monique regarde, touche, examine en tout sens, pour finalement conclure: Ce bleu est un peu trop indigo à mon goût.

Les yeux de Madame Roy se tournent vers moi: Qu'est-ce qu'elle veut dire?

Traduction de ma part: Un peu trop violacé.

Notre acheteuse cherche du regard sur les tablettes, aperçoit un tissu d'apparence denim, le pointe du doigt et dit: Madame, je crois que je vais opter pour ce bleu délavé.

Madame Roy, ravie d'avoir enfin compris, dépose la pièce de tissu sur le comptoir et demande: Combien de verges vous désirez?

Là, c’est mon amie qui reste bouche bée... Il faut dire que nous n'avions pas encore pris le tournant métrique à l'époque au Québec.

- Il ne faut pas te méprendre, ma belle; il s'agit de la longueur dont tu as besoin.

- Oh! …Deux mètres cinquante.

À l'adresse de Madame Roy, je traduis: Trois verges vont suffire...


Ce que nous avons rigolé au retour!

Avant de descendre chez elle, Monique, en riant toujours, me remercie de lui avoir servi d'interprète.

- Ah, Monique... Si tu parlais français aussi!

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