lundi 16 juillet 2007

Héros de mon enfance


Il s'appelait Laurent. C'était un garçon de la ferme voisine, celle de Monsieur John. Enfants, nous n'avions pas la permission, sauf raison spéciale, de dépasser la ligne qui séparait nos terres respectives. Cette ligne était délimitée par une clôture de pieux et un fossé au fond duquel coulait un petit ruisseau. Là où la route le traversait, il y avait un ponceau que nous appelions tout simplement calvette.

J'aimais beaucoup jouer à cet endroit, y cueillir des petites fraises, m'asseoir sur le bord de la calvette, regarder couler l'eau, y jeter en amont des bateaux imaginaires faits de brindilles que j'allais récupérer en aval.

Un jour où j'étais assise pieds ballants au dessus du ruisseau, arrive le beau Laurent tout fier de me montrer sa capture de grenouilles. Il s'assoit près de moi et me raconte qu'il les attrape pour les vendre à l'hôtel du village. Il y a du monde qui mange des cuisses de grenouille, me dit-il.

Je n'en revenais pas. Mais plus encore j'étais impressionnée par son côté chasseur et débrouillard. J'avais devant moi un véritable héros. Sans doute a-t-il vu dans mes yeux mon admiration, puisque tout à coup il osa: Quand je serai grand, c'est toi que je veux marier. Veux-tu?

J'ai dit oui! J'avais six ans.

Le temps a passé. Je l'ai revu il y a quelques années aux funérailles de son père. Il a gardé le même sourire et la même spontanéïté: Viens-tu des fois voir ton père à Métabetchouan? Quand tu viendras, organise-toi donc pour faire un flat devant ma maison...

Ma voiture n'a jamais eu de panne devant chez-lui, mais il demeure le héros de mon enfance.




Eugénie Lapointe, Raoul Tremblay, Onésime Tremblay, Inconnue, Jean-Charles Villeneuve, Cécile Tremblay, Odina Potvin, Hermias Villeneuve et madame, Cécile Gagnon, fille de John Gagnon


1 commentaire:

Yvonne a dit…

Laurent Gagnon m'écrit : «...Quelle surprise ! Il me fait plaisir de me compter parmi les héros de ton enfance. Celà me ramène à notre jeune âge qui fut joyeux. Dans ce temps là nous n'avions pas grand chose, mais on était heureux. Que de beaux souvenirs...»