mardi 17 juillet 2007

Liminaire

Sans crainte d’exagération, je pourrais classer ce recueil d’autobiographique. En effet, il dévoile des pans de vie qui n’ont appartenu à personne d’autre qu’à la narratrice. Certains nous ramènent au creux de nous-mêmes. Tout alors nous intéresse. Par le biais de personnages pittoresques, de lieux d’une enfance heureuse, d’objets qui accompagnaient le quotidien, de voyages hors du nid, tout cela ponctué de tendres méprises, l’émotion est là, trahissant la sensibilité d’une peine ou tout simplement d’un bonheur de vivre. Oui, l’ensemble de l’ouvrage témoigne d’une fraîcheur et d’une spontanéité qui resurgissent soudain à l’évocation de charmantes anecdotes, lovées qu’elles étaient au creux de la mémoire.

Trônent les personnes tutélaires, celles qui ont forgé l’âme et le cœur de l’auteure : sa mère, figure de douceur à qui les filles aiment faire des surprises ; son père, habile conteur à la langue imagée, que consulte même Marius Barbeau ; son grand-père, attendri devant le charme de cette petite dernière. Gravitent tout autour sa sœur Gillot, l’émancipée ; Marie et Madeleine, dans la fraîcheur matinale du jardin, l’une responsable de sarcler les plantes à large feuillage, l’autre traquant la chevelure fine des carottes ; Germaine pleurant son bandeau égaré ; Cécile aux doigts de fée ; Marguerite et Claire, complétant le quatuor des grandes ; le frère unique Jean-Charles qui sait tout faire, même réparer des attelages.

Une autre famille lui est donnée : Claude qui ose écrire à l’École normale de Nicolet et séduire ainsi et la demoiselle et la supérieure du couvent, puis quatre beaux enfants grandissant sous l’arbre en fleurs.

Le cercle s’élargit vers la parenté et les amis. Ici, le petit fait cocasse et le quiproquo campent les acteurs : Monique et son fort accent belge, Micheline l’infirmière, qui enseigne vite comment faire une piqûre, la tante qui oublie tout, même son bébé ! Les lieux changent mais Kouchepagane reste au cœur des cercles qui s’ouvrent vers Jonquière et Chicoutimi, vers l’Europe ; jusqu’au récent port d’attache, tout près des Plaines d’Abraham.

Nous retrouvons dans une langue savoureuse les mots et expressions du terroir ; mots de tous les jours qu’il plaira de conserver grâce à cette lecture. Ainsi, objets et choses deviennent évocation. J’ai aimé la charmante robe en peau d’ange, les poches de sucre en coton, magiquement transformées en jolis pantalons, le souci de la brave servante qui ne veut pas qu’on regarde les derrières de poule, le sac à piasses du quêteux, une médaille à épingler sur le corps de laine d’un jeune mari impénitent.

Ce livre ressemble à Yvonne : il est net, il est écrit dans une langue directe, claire. Beauté et tendresse savent laisser place à l’une des pages les plus touchantes du recueil : La table. L’auteure, sans complaisance, nomme la peur devant le diagnostic sans trop s’y arrêter cependant. Fidèles à eux-mêmes, Claude et Yvonne veulent vivre !

Je parlais plus haut d’une famille donnée. En plus, six petits-enfants, déjà grands maintenant mais qui furent petits, ont prolongé la vie. Le choix des tableaux de l’auteure-artiste, reproduits d’une page à l’autre, illustre, dans un je ne sais quoi d’esthétique et de recherché, la poésie rutilante de cette couronne d’enfants.

Mariette Bergeron-Tremblay

Outremont, 11 juillet 2007

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