lundi 16 juillet 2007

Les compagnons

Depuis que nous sommes à Québec, de bonne heure le matin, je vais marcher sur les Plaines. J'y croise des gens de toutes sortes: des jeunes, des vieux, des joggeurs, des solitaires avec chien en laisse, des fonctionnaires avec attaché-case et de simples marcheurs contemplatifs.

Dès les premiers temps, deux vieillards à fière allure ont attiré mon attention. L'un était aveugle. L'autre, qui était voyant, le tenait par le bras et ils causaient sans perdre la cadence de leurs pas rapides. Je ne sais rien d'eux, sauf que, par bribes de conversation saisies au passage, j'imagine qu'ils furent de près mêlés à la politique:

...Au temps de Duplessis...
...Tachereau voyait cela différemment...
...Depuis Lesage...
...J'avais parlé moi-même au ministre...

Chaque fois que je les croisais, ils me disaient: «Bonjour, madame!» avec l'élégance d'une autre époque.
Je me suis attachée à ces deux personnages.

Depuis deux ans, je ne les vois plus. Sont-ils allés marcher sous d'autres cieux? Comment le savoir?
La seule chose que je sais, c'est qu'ils étaient des compagnons bavards et attentionnés.

Ils manquent à ma galerie des promeneurs du matin...

1 commentaire:

Yvonne a dit…

Michelle Auger, de Québec, écrit:

Les compagnons, page 35, m'ont particulièrement touchée, parce que je les ai vus tous les matins de semaine durant 12 ans, soit alors que j'habitais Sillery et me rendais au bureau à pied sur la colline parlementaire, en empruntant les Plaines d'Abraham, cela en toutes saisons. Seule la pluie forte m'en empêchait. J'adorais cette promenade quotidienne, plutôt biquotidienne, parce que je revenais par le même chemin le soir. Et je voyais ces deux vieux qui, malgré le handicap de l'un, allaient chaque matin, bras dessus, bras dessous, et discutaient tout le long de leur promenade. Ils avaient l'air heureux de cette promenade quotidienne et j'admirais leur amitié, sans savoir qui ils étaient ni ce dont ils parlaient, puisque je les croisais toujours alors qu'ils allaient dans la direction opposée à la mienne. Ça me fait de la peine de savoir qu'ils n'y sont plus depuis deux ans.